De nouveaux modèles issus d'une étude prédisent que le changement climatique pourrait transformer le Sahel, l'une des régions les plus sèches d'Afrique, en une zone très humide. Pour la première fois, les scientifiques ont trouvé des preuves dans des simulations informatiques d'un possible changement brutal des fortes pluies saisonnières dans le Sahel, une région qui a été caractérisée jusqu'à présent par une extrême sécheresse. Ils ont, en effet, détecté un mécanisme d'auto-amplification qui pourrait se déclencher au-dessus d'un seuil de réchauffement climatique de l'ordre de 1,5 à 2° C au-dessus des niveaux préindustriels, ce qui constitue la limite pour l'élévation de la température mondiale dans l'Accord de Paris sur le climat. Bien que le passage de ce nouveau point de basculement soit potentiellement bénéfique, le changement pourrait être si grand qu'il représenterait un défi d'adaptation majeur pour une région déjà troublée. "Dans le Sahel sec, il semble y avoir une possibilité que le réchauffement améliore la disponibilité de l'eau pour l'agriculture et le pâturage", relève Jacob Schewe, l'auteur principal de l'étude. Cette hypothèse est confirmée par Anders Levermann, co-auteur de l'étude et enseignant en dynamique des systèmes climatiques à Potsdam (Allemagne), qui estime que le scénario envisagé constituerait une chance de reverdissement unique pour le Sahel. "L'ampleur absolue du changement possible est étonnante – c'est l'un des rares éléments du système terrestre dont nous pourrions être bientôt témoins du basculement. Une fois que la température approchera le seuil, le régime de pluviométrie pourrait changer en quelques années", ajoute-t-il.
Pour parvenir à leurs conclusions, les chercheurs ont utilisé des dizaines de systèmes de simulation par ordinateur de pointe. Ces simulations indiquent en moyenne, une faible tendance humide pour le Sahel sous un changement climatique sans relâche ; il est donc évident qu'il y aura probablement plus de pluies dans la région dans un monde qui se réchauffe. Les scientifiques ont ensuite examiné de plus près les simulations qui montrent la plus grande variabilité de volume pluviométrique – de 40 à plus de 300 % de pluies supplémentaires. D'autres simulations ne présentent qu'une légère augmentation, voire de légères diminutions. Ils ont trouvé que, dans ces simulations humides, lorsque les océans environnants sont chauds, les précipitations du Sahel augmentent subitement et sensiblement. Pendant la même période, les vents de la mousson qui soufflent de l'océan Atlantique vers l'intérieur du continent deviennent plus forts et s'étendent vers le nord. Pascal Sagna, professeur de climatologie à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, confirme que "les modèles climatiques actuels prévoient une très grande variabilité de la pluviométrie au niveau du Sahel", mais relève une grande difficulté à prévoir le comportement du Sahel à l'échelle de 20 ou 30 ans. Mais pour lui, la perspective d'une forte sécheresse dans la zone de transition, si elle devait se confirmer, serait de nature à inquiéter. Selon le climatologue, la plupart des études récentes parlent plutôt d'une amélioration générale de la pluviométrie, qui tendrait à contredire l'hypothèse d'une sécheresse à très court terme.
Josiane Mambou Loukoula, Les Dépêches de Brazzaville (Brazzaville) – AllAfrica